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Persona
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29 juillet 2009

Le commencement

" Lorsque toute ma meute fut abattue devant mes yeux, que j'eu longtemps pleuré sur les dépouilles des mes frères, de mon père, que j'eu brûlé les corps souillés de ma soeur et de ma mère, je dû m'en aller. Longtemps j'ai couru, puis j'ai marché, trébuché, et me voilà à boiter et me tirer du fond du désert. Le sol était sec comme ma gorge et la piqûre de mes yeux ravagés de tristesse, la douleur de mon coeur s'empoussiérait et bientôt je n'eu plus que l'amertume terreuse en bouche.

"Il me semblait être devenu désert : mes ongles, ma peau, mes cheveux, mon souffle, tout était gris de saleté et je me tirais. Les jours ne comptaient plus pour moi que par le décompte lancinant des respirations et des pas, des chutes. Peut-être y suis-je resté des semaines, voire des mois, mais peut-être aussi n'en suis-je jamais vraiment sorti.

"Je n'avais pas soif, je n'ai pas eu le temps d'avoir soif, j'ai directement eu mal. Tout le temps. C'est ce qui ma gardé conscient pendant longtemps, mais lorsque mon souffle s'est mué en une sacade de sanglots secs et que mes cotes ont semblé se briser sous la cascade de mon âme, que ma gorge s'est mise à siffler et que mes lèvres n'étaient plus que des traits de sang sali, le seul effort que je semblais capable de fournir fut un râle qui se tiraillait du fond de mes organes et je tombais.

"Puis il a bien fallu continuer à avancer. Je savais que ma douleur me gardait debout, alors j'ai songé une nouvelle fois à mes soeurs et leur triste sort ; la vision de leur regard vide sous la violence de ces hommes que je n'ai pu tuer. Alors je me suis trainé. Mes pieds, mes genoux, mes cuisses, mes hanches, mes coudes, mon buste, mon visage, plus rien n'était épargné, car j'ai saigné cette boue de métal rouge qui arrivait encore à suinter en moi malgré le manque d'eau. Même le soleil m'ouvrait le dos. Il me fallut deux nuits et trois jours à souffrir pour enfin sentir sous mes mains déchirées le piquant liquide d'une eau vive et claire. Ma vie en débordait, et dans ce mince filet d'eau courant au creux de la terre sèche, je me suis allongé, ma tête a trempé sous sa fraîcheur fragile et je me mis à dormir sans en sortir, la moitié du corps étendu sur la berge. J'ai aimé cette eau, cette terre adoucie de fraîcheur comme on aimerait la douceur d'une âme céleste. Il me semblait à la fois mourir en y saignant à torrents entiers, et revivre en sentant les pulsations de l'eau écoulée dans mes veines et mon coeur. C'était le baiser du commencement qui me mordait le corps dans cette eau glacée, je ne pouvais que lui obéir, et c'est ainsi qu'arriva ma toute première mort."

Silencieuse, j'observe l'expression douce qui émane du visage de Sergann. Ses lèvres n'avaient pas bougé mais je sais que la tristesse y dessine l'ombre d'un sourire alors qu'il pose des yeux profonds sur moi, comme pour s'excuser. Il reprend la parole avec une lenteur pénible tout en parcourant du bout des doigts les cicatrices des ses avants bras:

"Quand à savoir si vous avez raison de me définir comme un homme bon, je crois l'avoir été avant et pendant ma mort, mais aujourd'hui je ne correspond plus à ce genre de critères. Il n'existe aucune échelle pour qualifier le genre de personne que je suis devenu, les choses ne sont plus aussi simples dès lors que l'on meurt."

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Commentaires
G
Je commence vraiment a l'aimer se Sergann !<br /> Tine; tu gère !
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