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Persona
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3 juin 2009

La horde sauvage (remake ^^)

Undead_Cowboy_by_tower_raven         

       Dans la longueur d’un seul souffle je me redresse en catastrophe sur ma selle grinçante afin de stopper ma monture qui relève le museau brutalement, battant quelques instants de ses membres antérieurs pour en contrôler l’impulsion trop vivement avortée. Maud s’immobilise enfin sous mon frein et nous contemplons en silence la pente très raide qui aurait pu nous faire culbuter de l’avant. D’une pression des mollets sur ses flanc, je prie ma jument de s’avancer en douceur, et la voici qui s’arc-boute en arrière tandis que de ma main droite je la guide parmi la pierraille dévalant la colline sous ses lourds fers hésitants mais confiants. La descente ne dure qu’un court instant, et nous voici rapidement au pied de cette pente qui, abordée avec trop de vitesse, aurait pu briser une jambe de Maud et me rompre le cou. Encore tremblant d’une mésaventure évitée de justesse, je mets pied à terre et atterri si lourdement au sol qu’une onde de choc vient me cueillir sous les talons et je m’effondre en avant, sous le ventre de ma monture qui ne cille pas, encore trop hagarde pour réagir. Grognant quelques jurons, j’entreprends de réactiver la circulation de mes jambes épuisées par la longue et violente chevauchée en leur assénant des coups de poings qui manquent tout de même de conviction.

Après avoir dessellé et débridé Maud je me laisse tomber au sol, sans faire de manière, et rabat mon chapeau sur mon visage. J’allonge autour de moi mes bras en croix pour mieux savourer la fraîcheur de l’herbe haute en cette fin d’après-midi encore cuisante de ce soleil dont les rayons traversent même les coutures de mon couvre-chef, comme rechignant à me laisser victorieux. J’entends Maud caracoler de-ci de-là pour se délier les muscles et l’échine, puis ma respiration ne tarde pas à se faire assez régulière pour me bercer. Je suis si fatigué que même la pensée d’ôter mes bottes m’épuise et je me contente de devoir somnoler à moitié dans l’inconfort de celles-ci, de mon pantalon durci de poussière et ma veste plus sale encore que mon visage brûlé. Bientôt je sombre dans les limbes d’un sommeil sans fond.

La sensation du sable sec s’enfonce à nouveau sous mes talons tandis que le rayonnement du soleil bute encore sur mes épaules blessées du sel venteux et tournoyant. Sous mes paupières ma rétine me pèse, affaiblie d’avoir tant scruté cet horizon dilaté, frémissant au devant de spectrales arrêtes rocheuses parsemant le royaume du néant s’étirant autour de moi comme une chape de lumière métallique. Dardant son infernal regard sur le sable gris, l’astre m’observe de son œil borgne jusqu’à m’ôter l’humidité nécessaire à mon corps, faisant bouillonner dans mon crâne en pression la sécheresse de pensée, m’égarant dans une infinité de désespoir incolore que j’aime soudain à cheminer, à respirer. Les poumons raclés d’un souffle acéré de soif, je m’applique à tenter un pied devant l’autre sans perdre mon équilibre déjà vacillant, pestant entre mes lèvres gercées des piqûres de sang abrasées de grains de sable.

Homme saboté par la lassitude, amas mobile de poussière, empreinte du désert.

Je ne dois pas me laisser étreindre par ce paysage dangereusement séducteur, cet appel au repos, il faut que je prenne garde, que je remonte en selle à présent : Maud a été assez ménagée, c’est à mon tour de me reposer. Une fois avachi contre le pommeau de la selle je me penche de manière à ombrager mon regard grâce au chapeau à larges bords, poussant de temps à autres la jument à suivre l’atroce direction, faisant front au soleil sans pitié. Elle a encore beaucoup de forces, je lui laisse toujours toute mon eau. Nous nous élançons vers la fournaise, près à traverser  contre le vent puissant le fil tremblant de l’horizon pour tomber dans cette flaque de lumière ondoyante s’effondrant maintenant contre la terre, rougie de colère à notre vue. Ses flammes arides assèchent jusqu’à la brise que nous déchirons, tous deux précipités par la mort, l’urgence.

Au delà il y a l’espoir ou la fin brutale du calvaire, c’est quitte ou double. Sous moi ma monture écume à grands souffles, s’élance toujours plus rapidement dans ma prière, faisant tinter la ferraille des sangles et gronder le sol poudreux, implacable. Une immense joie enfle alors dans ma poitrine, brûlante excitation carbonisant ma peur et ma fatigue. A cause de cette impulsion sauvage et puissante je ne me contrôle plus, il me suffit d’enrouler les rênes autour du pommeau de la selle surchauffée pour étendre les bras et éclater d’un  rire tonitruant, succombant au plus profond de la douleur de ma soif pour mieux l’ignorer, en tirer jusqu’à la dernière force. Au dessus des reflets bruts du sol scintillant notre ombre chimérique s’étire comme une armée qui dans le lointain nous suivrait sans relâche, la jument hennit avec moi et mon rire dément s’élève, écho lointain de mille hommes possédés. Il n’est qu’une chose à mon esprit : cette adrénaline victorieuse à la fatigue, cette certitude absolue qui me pousse à aller de l’avant pour descendre les ravines que je sais prochaines et qui libéreront les plaines ondoyantes de verdures, grasses d’eau et de vie. Nous tirer du plateau désertique, cet enfer sans diable à qui pouvoir vendre notre âme, s’en évader comme une balle du canon fumant d’un revolver. Le sifflement du vent balaye mes brulures et les sèche comme un baume salé, me tirant des larmes piquantes et effilées du coin des yeux tandis que sous moi Maud s’énerve et s’emporte à plusieurs reprises dans son galop, manquant de peu de m’éjecter de l’assise de cuir. Ses oreilles pointues sont rabattues sur sa nuque, l’encolure fièrement dressée sur laquelle danse une crinière hérissée ; elle a les membres comme inéluctablement élancés à la poursuite d’un destin qui nous est à présent rendu.

Nous allons vivre, la fin est proche.

Un sursaut de panique refroidit alors mon bel entrain, j’aperçois devant nous l’arrêt net de la terre qui s’enfonce dans les profondeurs et surplombe une vague étendue verdoyante, signal coloré annonçant les ravines. Pris de panique, je me jette sur les rênes et tire comme un fou, les quatre fers de Maud glissent dans la poussière alors qu’elle relève son encolure et que sa croupe s’abaisse dangereusement jusqu’au sol. Dans un dernier élan, ma jument prend comme son envol vers le ciel et rue fougueusement avant de se stabiliser tout à fait. Le cœur battant à tout rompre, je pousse un soupir pour évacuer ma frayeur. Nous contemplons en silence la pente très raide qui aurait pu nous faire culbuter de l’avant.

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Commentaires
G
Bon, on reconnait bien ton travail d'écriture et de style, toujours aussi bien.<br /> <br /> Mais par contre, au niveau contenu, je te le dis franchement, j'ai trouvé sa intéressant.<br /> <br /> ON VEUT DE L'ACTION, DES MÉCHANTS ET DU SANG ! ^^
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