Le lac
Il observait l'air trendre rider la surface de l'eau avec une certaine anxiété.
Autrefois le spectacle du soleil faisant ricocher ses éclats purs sur ce lac l'aurait ému, mais maintenant il ne parvenait pas à empreindre son être dessus, même si son âme désirait s'y noyer entièrement.
L'indifférence l'étouffait et il se sentait aussi monstrueux que l'ombre imprévisible de son passé qui pouvait surgir sur sa mémoire à chaque seconde de chaque instant, l'étrangler de son opressante et indélébile existance. ce passé sommes toutes ordinaire. Beaucoup d'autres avaient vécu cela, mais combien l'avaient surmonté ? combien auraient pu y rester indifférent ? Il ne connaissait aucun vétéran, et il se sentait seul face à son propre handicap.
Un tableau. Ce qu'il voyait devant lui n'était qu'un vulgaire tableau. Les couleurs se mouvant doucement lui soufflaient de belles promesses de bien-être, mais pour lui et pour lui seul elles étaient stériles et frustrantes de mensonges.
Il ramassa une pierre au sol. En la jetant au loin, les bords coupants lui strièrents la paume de fils écarlates, et le lourd projectile lui avait malmené l'épaule mais le cri qu'il aurait du pousser ne vint pas, et la rage coincée dans sa gorge s'empliffia alors que l'eau engloutit bruyamment la pierre, comme le grondemment inquiétant d'un Léviathan hurlant vengeance dans les profondeurs du lac.
Vengeance sur les autres ! Vengeance pour les camarades ! Vangeance sur ceux, couards, peureux et avides de sang qui les avaient massacrés en encourageant cette grande horreur ! Vangeance pour leur innocence perdue à jamais dans les salves sanglantes.
Après être resté un moment baissé, la main blessée recroquevillés sur sa poitrine et la mâchoire crispée dans un mélange de douleur et de colère sourde, Il se redressa, calme à présent.
la puie tomba ensuite. Elle tombait.
Oréolant sa silhouette effilée, tranchante et muette d'un vaporeux nuage crépitant dont il ne pouvait ressentir la froideur. Lhomme ferma les yeux, baissa la tête tout en fermant son blouson de cuir tanné jusqu'au menton. Il avait envie de tousser. Il avait l'impression qu'en fermant la fermeture éclair de ce manteau il enfermait son coeur sous un entrelac d'organes et d'os, de sang et de fer. Un poids pesait sur son visage et ses cheveux d'ébène, dégoulinant à présent, qui lui retombaient devant son visage. Nonchalemment, il passa sa main dans ses cheveux pour les ordonner, puis planqua ses mains squelettiques dans ses poches, frileusement.
Du dessous du dur caoutchoug de son masque à gaz, de l'eau lui glissait le long du nez. Le Lévrier ne chercha pas à retirer son masque pour se débarrasser de l'eau de pluie. Il savait qu'il ne réussirait pas. Il le suivrait jusqu'au fond de la tombe si il avait été encore vivant.